Charles Sannat

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Ahmed
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par Ahmed » 26/01/16, 10:42

Je connais mal les particularismes économiques de l'Islande et de l'histoire économique (autrement tourmentée!) de l'Argentine: attendons de voir ce que cela donne, de toute façon, ces deux pays sont enchaînés à l'économie mondiale.
D'autre part l'économie n'est pas chose simple et, comme j'ai déjà eu l'occasion de l'expliquer, bien des crises qui semblaient sans remède se sont vues surmontées au prix d'un nouvel artifice qui la repoussait plus tard, mais à des niveaux plus élevés.

Actuellement, appliquer cette "potion" à la France ou la Belgique (dans la mesure ou ce serait possible et sans préjuger des éventuelles conséquences mal calculées) réglerait évidemment la question du remboursement, mais comme la cause structurelle du recours aux emprunts n'aurait pas disparu pour autant, ça repartirait pour un tour...
Il ne faut pas se fier à l'activité économique, même si le chômage disparaissait (hypothèse d'école), l'essentiel des emplois concerne le secteur tertiaire*; d'après la plupart des économistes, ce secteur serait producteur de valeur (attention, je ne discute pas ici de l'utilité au non de ces emplois, simplement de leur contribution à l'augmentation de la masse du capital), opinion que j'ai longtemps partagée, mais c'est confondre création de valeur abstraite et allocation des ressources (distribution de cette même valeur); la création de valeur abstraite dépend de la quantité de travail humain incorporée, à un stade donné de productivité, dans de la marchandise, l'allocation des ressources s'opère, lui, en fonction des rapports de force existant entre les groupes humains.
C'est quelque chose d'indémontrable, mais c'est un postulat fécond qui rend bien compte des phénomènes...en particulier de l'expansion de la dette, mais pas seulement.

En économie, il existe bien des biais cognitif, j'en cite deux: le capitalisme a toujours existé et les "trentes glorieuses" devaient conduire à toujours plus de prospérité...
Je développerais ces deux points si ça intéresse quelqu'un...

*Lui-même en récession et en mutation vers des "petits boulots".
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par arnangu » 26/01/16, 18:54

un RAZ de l'économie n'a quand même pas sauvé l'Argentine qui est bien mal en point encore maintenant. Je pense aussi au Japon qui ne s'est jamais relevé de sa crise des années 90.

Va-t-on réellement assister à la fin de l'Europe et à la fin de l'euro ?

Va-t-on assister à la faillite de la France ?

Et malgré le discours ambiant et le boom de" l'économie collaborative", comme certains la nomment, je ne vois encore pas beaucoup les changements humains qui devraient découler de ce changement .....(solidarité, refus du repli sur soi).

Vous voyez du changement vous ?
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arnangu
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par arnangu » 26/01/16, 18:55

je vois plutôt des gens qui s'accrochent à leurs "acquis" , leurs biens matériels, et leur individualisme poussé à l'extrême.
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Ahmed
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par Ahmed » 26/01/16, 21:09

Sans tomber dans une mythologie falsificatrice du "paradis perdu", force est de constater depuis le milieu du XIXe siècle, avec les utopies fouriéristes et autre phalanstère régnait une forte solidarité ouvrière (chez les riches, la solidarité est la condition du maintien de leurs privilèges) qui s'est accrue au début du XXe par l'immense espoir soulevé par la Révolution Russe. Des liens très fort existaient entre les personnes au travers d'associations militantes, bourses du travail, mais aussi de soutien aux victimes de maladie, de deuil, de financement d'obsèques décents, de cercle de lecture et de débat(beaucoup étaient illettrés, ce qui n'empêchait pas un haut niveau de culture transmise oralement*).
La guerre de 1914-18 allait porter un premier coup à cette solidarité: d'une part en apportant la preuve que la solidarité de classe s'est effacée devant les nationalismes, puis par l'élimination physique de pans entiers des classes paysannes, ouvrières et des petits employés et enfin le détournement des efforts, dans l'entre-deux guerres, pour une reconnaissance réelle des souffrances endurées...
Dans le même temps, l'existence de l'URSS, même si elle était redoutée par les uns et admirée inconditionnellement par les autres (pour de mauvaises raisons dans les camps opposés) permis d'obtenir, peu à peu, des conditions de travail moins pénibles, des droits plus étendus, avec la victoire électorale du Front Populaire.
La solidarité était toujours présents, mais le ver était dans le fruit, pour deux raisons.
Le taylorisme, se répand aux Etats-Unis vers le milieu du XXe, son effet est clair et sciemment recherché par ses promoteurs: remplacer des ouvriers qualifiés dont avaient besoin les industriels, par des servants de machine capable d'apprendre rapidement les quelques gestes nécessaire à une tache sur laquelle ils n'ont aucune initiative et donc en faire des éléments substituables, sans pouvoir de négociation; la fierté du savoir-faire disparaissait en même temps que la capacité à faire face à l'employeur.
Ce système de fonctionnement s'observera en France avec un important décalage et moins d'intensité, dans un pays resté nettement plus rural et agricole que son "modèle".
L'autre raison est que l'amélioration des conditions de vie désarme les volontés révolutionnaires antérieures, ce qui s'observe bien au niveau des formations politiques de gauche qui deviennent, pour les plus influentes, réformistes.
La période de l'Occupation fût un catalyseur des égoïsmes des uns et de la solidarité des autres...
Après guerre, les bouleversements importants permettent à des opportunistes de changer de statut social: la manne américaine ouvrait de nouvelles opportunités et constitua la base des "Trente Glorieuses", période d'expansion rapide, de plein emploi et de planisme avec sa mutation sociétale majeure: l'exode rural qui amène son flot de déracinés vers les villes et des emplois dans l'industrie; en terra incognita.

à suivre...

*C'est une des choses qui m'a le plus surpris lorsque j'ai été amené à étudier d'un peu plus près ces activités populaires, la déconnexion totale chez bon nombre de personnes entre la capacité à lire et une forte culture.
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par Ahmed » 26/01/16, 21:38

Une manœuvre maladroite avait fait disparaître la fin de mon texte, mes efforts l'ont fait ressurgir. Reprise et suite.

Après guerre, les bouleversements importants permettent à des opportunistes de changer de statut social: la manne américaine ouvra de nouvelles opportunités et constitua la base des "Trente Glorieuses", période d'expansion rapide, de plein emploi et de planisme avec sa mutation sociétale majeure: l'exode rural qui amène son flot de déracinés vers les villes et des emplois dans l'industrie; en terra incognita, les solidarités s'émoussent, d'autant que les employeurs encourage à une politique d'immigration massive de main d'œuvre Nord-Africaine, pour augmenter le rapport de force en leur faveur...
Cependant, une part de plus en plus importante de la population, souvent par le passage dans le secteur tertiaire voit, d'une part son "niveau de vie" augmenter, ou au moins les perspectives d'avenir de leurs enfants s'améliorer, d'autre part une captation de leur temps libre captés par les loisirs offerts par le marché: un ensemble d'individus tend à se substituer à une société de personnes. C'est ce que dénonce Marcuse, Debord et bien d'autres...
Depuis, la situation n'a cessé de se dégrader du fait de l'augmentation du chômage qui exacerbe la concurrence entre salariés, de la multiplicité des postes "sur mesure", partiels ou temporaires qui s'oppose à une conscience collective, à la pression des emprunts individuels et à une focalisation substitutive sur les médiocres aventure de Johanna, comme si nos vies étaient devenues trop médiocres pour que l'on s'y intéresse...

Il existe une solidarité résiduelle qu'il importe de cultiver d'autant plus activement et qui sera notre seul rempart lorsque le "clash" adviendra...
Ce modèle de fonctionnement est né il y a maintenant près de 250 ans, au point que ceux qui ignorent l'histoire le pense comme une donnée permanente de la façon dont les hommes se rapportent entre-eux, au travers de la valeur abstraite, du travail et de la marchandise. Ce modèle s'est développé, a conquis le monde sous ses deux variantes, privée et étatique, et s'il a surmonté bien des crises grâce à sa plasticité extraordinaire, sa fin n'en est pas moins aussi certaine que celle de n'importe quel organisme...

L'économie collaborative sert de rustine au système, en misant sur ce qui reste de solidarité pour remplir des tâches importantes qu'il ne saurait remplir, puisque ne correspondant pas à ses objectifs... c'est une façon de se défausser des activités peu lucratives.
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par arnangu » 27/01/16, 18:16

J'aime beaucoup ton résumé, j'adhère tout à fait à ce que tu dis.

Bref, selon toi, comment va évoluer le futur ?

En a-t-on une idée ?

Une remise à zéro n'est plus possible vu le lourd passif que l'on a infligé à la planète, et aux humains qui la peuplent.

Mais alors quoi ? comment ?
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par Ahmed » 27/01/16, 22:16

Avant de tenter de répondre à ta question, quelques précisions liminaires.

La plupart des gens, constatant la domination humaine s’exerçant sur la nature et l'extrême sophistication de nos modes de vie urbains nous affranchissant de ses contraintes, en déduisent l'impossibilité d'un effondrement civilisationnel, ni même l'éventualité d'un retour en arrière : le mythe du progrès a figé les imaginaires.
Une minorité, souvent d'inspiration complotiste ou simplement de sensibilité environnementaliste (ne pas confondre avec écologistes, mais il y a peu de risque : ces derniers ne sont pas légion!) pense le big crunch certain. Les premiers, de type survivalistes façon "musclée", sont peu sensibles aux aspects théoriques; l'ensemble de leur écrits et vidéos se rapportent aux méthodes pratiques de survie (nous y reviendront). Les environnementalistes pessimistes déduisent le collapse d'un cocktail d'épuisement des ressources (une civilisation fondée sur le pétrole s'effondre nécessairement avec sa source d'énergie) et de pollution généralisée.

Il existe un troisième positionnement, fort peu représenté il est vrai, mais dont je fais partie, qui pense la catastrophe évitable au prix de grands efforts et donc inévitable pour cette dernière raison... Peut-être cela t'apparaîtra comme une nuance assez superficielle, mais ce n'est pas le cas.
Bertrand Maheust (dont je te conseille vivement la lecture de ses deux derniers ouvrages ; "La politique de l'oxymore" et "La nostalgie de l'occupation" ; ce dernier opus constitue un approfondissement des problématiques soulevées dans le précédent), en tant que philosophe et historien du psychisme explore, de ce point de vue largement ignoré, l'évolution de nos sociétés, de façon lumineuse et passionnante.
Mon point de départ est très différent, mais concorde avec le sien. Mon approche économique, à la fois théorique et pratique, m'a conduit à comprendre qu'un système, quel qu'il soit, finit par s'écrouler au bout d'un certain nombre de réitérations, par accumulation de ses contradictions initiales. Contradictions assez invisibles au début, voire bénéfiques à un certain stade, mais létales ultérieurement. Sans rentrer dans d'autres considérations plus complexes, le simple fait que l'essence du capitalisme soit la croissance montre d'emblée son absurdité principielle : la croissance est incluse chez tous les organismes vivants, en même temps que son arrêt, au moment opportun. Bien entendu, une objection facile serait de faire remarquer qu'il est tout-à-fait possible d'augmenter indéfiniment la masse de valeur abstraite, sauf que cela se paye toujours, directement ou indirectement par une destruction d'une nature (y compris, donc, les dégâts humains) qui, elle, est finie.
C'est pourquoi je m'efforce de remplir l'office d'un "apocalypticien prophylactique", puisque l'effondrement est inévitable tant qu’on le pense impossible et qu'il est possible de l'éviter à condition d'être convaincu de son advenue : nous sommes ici en présence d'un raisonnement contrefactuel. Même si ce dernier possède une grande solidité, son application est évidemment très improbable en raison des atteintes psychiques résultant du système et qu'explicite magistralement B. Maheust, atteintes psychiques qui limitent l'imaginaire à une fascination pour le réel, interprété, à tort, comme le seul possible.
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par raymon » 28/01/16, 00:33

Moi je dirais vive la banqueroute et devinez qui serait les perdants. Personnellement on me doit rien .
Depuis Philippe le bel c'est une méthode qui fonctionne bien.
Vive la banqueroute!
http://www.editions.fakirpresse.info/in ... egory_id/1
Mais a qui doit-on tout ce fric?
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par Ahmed » 28/01/16, 11:11

Raymon, tu ne suis pas bien! J'ai donné plus haut une explication schématique qui répond, de façon rapide je le reconnais, à ta question:
Mais à qui doit-on tout ce fric?

Tu pourrais te reporter utilement aux passages d'autres fils dans lesquels j'ai eu l'occasion de m'étendre sur le sujet...
Mais je vais être indulgent et te conter une histoire, celle d'un monarque et de son jardinier Raymon.

Un jour que le roi se promenait dans son parc, il remarqua un tout jeune arbre aux feuilles délicatement découpées et d'un beau vert brillant, ; il fît mander Raymon et lui dit que cette plante était belle et méritait mieux que d'être reléguée au fin fond de son parc, qu'il devait lui trouver une place bien en vue et veiller sur elle. Ce que fît notre jardinier : l'arbuste repris et recommença à pousser, mais le roi le trouvait bien chétif et peu en rapport avec le prestige qu'il espérait en retirer. Il ordonna à Raymon d'accélérer les choses et Raymon s’évertua à lui prodiguer tous les soins que sa science lui permettait : l'arbre se développa magnifiquement et atteint un tel développement que le volume de ces racines et la surface de ses feuilles lui permis d'explorer de nouveaux espaces pour croître de plus bel. Le roi était content, ou presque, car, quelques années plus tard, il déclara : "Il est devenu très beau grâce à toi, mais sa taille est encore bien petite par rapport aux arbres qui sont à proximité et je veux qu'il les dépassent tous, afin qu'il soit le centre des regards et symbolise ma gloire". Là, Raymon était bien embarrassé, car l'arbre, devenu adulte, commençait à ralentir sa croissance et il ne savait que faire, cependant il ne pouvait pas désobéir au roi...
Il compris qu'il ne suffisait plus d'apporter des engrais, de soigner l'arrosage, tout cela était devenu insuffisant, il fallait procéder d'une façon radicalement nouvelle.
Il se lança donc dans d'interminables expérimentations et, après de longues années de labeur acharné, il élabora un mélange compliqué et à l'aspect étrange qui avait l'étonnante propriété de tromper la nature et d'ignorer son signal d'arrêt de croissance à l'âge adulte. Sous l'effet de ce produit extraordinaire, l'arbre repris son expansion, au vif plaisir du roi qui commençait à perdre patience et au grand soulagement de Raymond qui, doté d'une rente rondelette reparti finir ses jours dans les terres qui l'avait vu naître.
Mais la nature, comme les monarques, n'aime pas que l'on outrepasse sa volonté et il advint qu'une tempête mis bas celui qui l'avait, bien involontairement défié : plus haut, plus large qu'aucun autre, il subit toute la puissance des éléments.


Voila, j'espère que tu comprendras mieux sous cette forme symbolique.
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par Ahmed » 28/01/16, 11:29

Arnangu, avant d'entrer dans la partie la plus délicate du sujet, je me dois de remédier à un grave oubli: dans la dernière catégorie évoquée plus haut, j'ai omis de mentionner François Roddier qui analyse de la façon la plus large possible notre rapport à la nature et aux échanges énergétiques qui s'y déroulent: c'est une démarche très novatrice et fructueuse que je t'invite à consulter sur son site et sur le fil du forum à lui consacré. Tu verras que si je suis dubitatif sur certaines de ses conclusions concernant la période récente, cela tient à ce que son modèle explicatif scientifique est gigantesque et, s'il est parfait à longue et moyenne distance temporelle, il souffre d'imprécision à courte portée. Le mien étant peu étendu temporellement, est incapable de ses grandes synthèses, mais (du moins je l'espère!), plus pertinent pour des analyses actuelles.
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