François Roddier, thermodynamique et société

Débats philosophiques et de sociétés.
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Re: François Roddier, thermodynamique et société




par Ahmed » 04/12/16, 20:04

Toute la difficulté réside effectivement dans la définition et les limites que l'on assignent à la conscience. Si l'on peut considérer que cette dernière est supérieure à l'intelligence, c'est certainement, comme tu le suggères, une question de degré ou de domaine d'application. Ainsi, notre société fait preuve d'une étonnante intelligence* dans chacun de ses objectifs restreints et d'une stupidité globale suicidaire tout aussi grande, paradoxale pour qui ignore les déterminismes qui la meuvent.

*Que je vois comme la capacité à établir des liens logiques entre des éléments du réel.
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Re: François Roddier, thermodynamique et société




par sen-no-sen » 19/12/16, 11:48

103 – Les oscillations du cerveau et le rôle du sommeil

18 décembre 2016

Durant les années 80, un certain nombre d’informaticiens se sont intéressés au cerveau en tant qu’architecture informatique. Cela les a conduit à la notion de réseaux neuronaux et à l’étude de leurs propriétés.

La question s’est d’abord posée de la programmation d’une telle architecture. Dans le cas des ordinateurs, un ingénieur étudie le problème à résoudre et écrit un programme qui est enregistré dans l’ordinateur. Par contraste, un cerveau se programme tout seul. On dit qu’il apprend, d’où l’intérêt pour les réseaux neuronaux. Encore faut-il poser le problème à résoudre, ce qui nécessite une intervention extérieure.

Durant les années 90, il est devenu clair que l’intérêt des réseaux neuronaux se limitait aux problèmes d’optimisation et que la nécessité pour la machine de s’autoprogrammer imposait une complication supplémentaire rarement utile. Par contre, l’étude des réseaux neuronaux restait intéressante pour comprendre le fonctionnement du cerveau, mais le cloisonnement des disciplines fait qu’aucun biologiste ne s’y est vraiment intéressé.

Nous avons vu que les structures dissipatives s’auto-organisent. Le physicien danois Per Bak a montré qu’elles s’auto-organisent toutes suivant le même processus qu’il a appelé «criticalité auto-organisée». On peut donc s’attendre à ce que le cerveau s’auto-organise à l’aide d’oscillations autour d’un point critique. C’est bien ce que suggèrent les simulations numériques de Stassinopoulos et Bak, dont les résultats ont été publiés en 1995 (voir l’article décrit au billet précédent).

Dans ce modèle, le réseau neuronal reçoit des signaux sur ses neurones d’entrée dits neurones sensoriels et émet des signaux sur ses neurones de sortie dits neurones moteurs. Lorsque le résultat recherché est atteint, un signal de statisfaction est envoyé «démocratiquement» à tous les neurones, indépendemment de leur contribution. L’auto-organisation se fait à l’aide de deux paramètres: l’intensité des connections entre les neurones et le seuil à partir duquel l’information est transmise d’un neurone à l’autre. Ces paramètres oscillent au cours du temps de façon à maximiser la «satisfaction» générale.

Nous avons vu que toutes les structures dissipatives produisent du travail mécanique en décrivant des cycles semblables aux cycles de Carnot. Cela nous a conduit à modéliser l’économie à l’aide de deux paramètres l’offre et la demande dont on a montré que l’un joue le rôle d’une température et l’autre le rôle d’une pression (billet 89). En serait-il de même des paramètres de Bak et Stassinopoulos?

Leur algorithme modélise un être vivant. Celui-ci produit bien du travail mécanique par l’intermédiaire des neurones moteurs. Les signaux de satisfaction proviennent d’un apport d’énergie sous forme de nourriture: ce sont les calories fournies par l’équivalent d’une source chaude. Quant aux signaux d’entrée, ils apportent de l’information de l’environnement, ce qui correspond à une exportation d’entropie. De la chaleur est nécessairement évacuée vers une source froide: c’est la chaleur latente de changement d’état liée à la réorganisation du cerveau.

J’ai dit que l’auto-organisation se faisait à l’aide de deux paramètres. Clairement les seuils jouent le rôle d’une température. Des seuils bas facilitent leur franchissement, comme le ferait une température élevée; des seuils élevés empêchent leur franchissement comme le ferait une température basse. L’intensité des connections joue le rôle d’une pression. Elle mesure un flux de charge comme la pression mesure un flux de particules qui frappent une paroi.

Le modèle de Stassinopoulos et Bak implique que, pour fonctionner, le cerveau doit nécessairement osciller de part et d’autre d’un seuil de percolation. Dans mon dernier billet, j’ai parlé de la conscience. Celle-ci implique un état d’éveil durant lequel notre cerveau percole. Lorsque nous dormons, nous ne somme plus conscients. C’est donc un état durant lequel notre cerveau ne percole plus. Curieusement, Stassinopoulos et Bak ne semblent pas avoir vu que leur modèle impliquait l’existence du sommeil: il en montre le rôle et la nécessité.

Rappelons que toute structure dissipative oscille autour de son point critique et que ces oscillations, parfois qualifiées d’oscillations de relaxation (!), n’ont pas de périodes propres. On sait que de telles oscillations se synchronisent aisément sur des phénomènes extérieurs. Il est donc naturel que le cerveau se synchronise sur le cycle diurne, soit en phase (animaux diurnes) soit en opposition de phase (animaux nocturnes). Pour certains la synchronisation se fait sur les saisons. C’est le cas des animaux qui hibernent.

Le sommeil apparait ainsi comme une phase nécessaire du cycle d’oscillation du cerveau. Dans le prochain billet, nous comparerons ces oscillations aux cycles d’une machine à vapeur, ce qui nous éclairera encore sur leur fonctionnement, et nous généraliserons ces concepts à un réseau neuronal quelconque.
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Re: François Roddier, thermodynamique et société




par sen-no-sen » 29/12/16, 23:48

Les oscillations du cerveau (généralisation)

Peut-on appliquer le modèle de Stassinopoulos et Bak non pas au cerveau d’un animal comme le font les auteurs, mais au « cerveau global » que forme une société humaine dont les individus seraient les neurones? Je propose de décrire les cycles de ces cerveaux de la manière dont nous avons décrit les cycles économiques, c’est-à-dire à l’aide de deux paramètres équivalents l’un à une pression et l’autre à une température. Ces paramètres et leur signification sont résumés dans le tableau suivant:


http://www.francois-roddier.fr/

Dans cet article François Roddier dresse un ensemble de comparaisons entre les oscillations du cerveau d'avec le cerveau global (la société);on reconnaitra effectivement que ce dernier obéit comme tout le reste à des processus thermodynamique,ce qui permet de nous éclairer sur les phases historiques qui anime l'humanité et ce dont à quoi nous devons nous attendre...
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Re: François Roddier, thermodynamique et société




par sen-no-sen » 14/01/17, 14:43

106 – Petit interlude cosmologique
13 janvier 2017Général

Le titre de ce blog montre que j’ai fait une carrière en astronomie. Son en-tête indique que j’ai écrit un livre sur la thermodynamique. La plupart de mes billets portent sur la biologie et les sciences humaines, très peu sur l’astronomie. Pour ceux d’entre-vous qui s’intéressent à cette dernière discipline, l’allégorie du billet précédent ne vous rappelle rien? Ce coup de feu suivi de l’expansion rapide d’un troupeau de chevaux ne vous rappellent-ils pas le Big Bang et l’expansion de l’univers?

Dans mon billet précédent, il symbolisait l’étincelle qui déclenche le mouvement du piston dans un moteur à explosions. On sait que ce mouvement de détente des gaz est suivi d’une phase d’expulsion des gaz brulés puis d’une phase de compression de gaz frais. En serait-il de même pour l’univers?

On sait aujourd’hui que l’expansion de l’univers s’accélère. Cela implique que les galaxies dont la vitesse de récession est proche de la vitesse de la lumière vont un jour devenir inobservables. Tel qu’on l’observe, l’univers expulse bien de la matière au fur et à mesure qu’il se détend. En thermodynamique, on sait que lorsqu’un gaz se détend, il se refroidit. Aujourd’hui, la température de l’univers n’est plus que de 3° Kelvin.

Peut-être avez-vous encore un baromètre à la maison? Il se peut que la pression atmosphérique ait baissé et vous vous dites: «il va sans doute pleuvoir ou même neiger». Lorsque la température de l’atmosphère diminue, l’humidité de l’air se condense en eau ou même en glace. De même, lorsque l’univers se refroidit, sa matière se condense en galaxies, puis celles-ci se condensent en étoiles. Ainsi, comme un moteur à explosion, notre univers expulse de la matière tandis qu’il en condense une autre.

En thermodynamique, lorsqu’un gaz se condense, il se réchauffe. Dans le cas des étoiles, le gaz se réchauffe suffisamment pour déclencher des réactions thermonucléaires. Plus les étoiles formées sont grosses, plus leur durée de vie est courte. Les plus grosses explosent. La matière se détend à nouveau pour se recondenser plus tard. On sait que les galaxies elles-mêmes se condensent pour former des trous noirs. Certains théoriciens, comme Lee Smolin, pensent que les trous noirs explosent un jour pour créer de nouveaux univers.

On sait que dans un cycle idéal de Carnot, l’entropie de la source chaude est transférée à la source froide. On sait aussi que l’entropie d’un trou noir est proportionnelle à sa surface. Au fur et à mesure qu’un trou noir accrète de la matière, sa surface augmente, donc son entropie aussi. Si l’univers décrit des cycles de Carnot, le Big Bang en est la source chaude, et les trous noirs en sont la source froide. Vu ainsi, l’univers serait une immense machine à dissiper l’énergie.

http://www.francois-roddier.fr/?p=644#comments
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Re: François Roddier, thermodynamique et société




par sen-no-sen » 15/01/17, 11:30

L'étude de la cosmologie et de la thermodynamique ,bien que très éloigné en apparence des problématique sociétales, peut nous apporter des réponses pour mieux comprendre les forces en jeux.
Ainsi,la théorie de la gravité quantique conduit les scientifiques à penser que notre univers serait né de l'effondrement d'un autre univers antérieur:
Image

..Univers antérieur lui même issue de l'effondrement d'un autre Univers!
Ce concept est fondamentale,puisque toute chose dans notre univers suis d'une façon ou d'une autre une phase d'expansion,de contraction,puis de redéfinition.
Ses phases peuvent être représenté graphiquement par des courbes de gauss:Image

Image
Ici un graphique sur les différentes phases d'extinctions des espèces.

En fait si l'on fait une recherche dans chaque domaine(neuroscience,innovation,démographie,économie) il apparait que le même schéma se poursuit inlassablement,ce qui nous permet d'extrapoler sans trop de difficulté sur le sort que nous réserve l'histoire à venir.
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Re: François Roddier, thermodynamique et société




par sen-no-sen » 19/01/17, 10:39

Un nouvel article De François Roddier dédié ici aux transitions de phases:

Les transitions de phase.
18 janvier 2017Général

Les condensations successives qui ont eu lieu après le Big Bang m’amènent à parler aujourd’hui d’une notion très importante en mécanique statistique, celle de transitions de phase. Développée au 19ème siècle pour l’étude des changements d’état de la matière, comme le passage de l’état gazeux à l’état liquide ou de l’état liquide à l’état solide, cette notion a depuis été étendue à bien d’autres états de la matière. C’est ainsi que les cosmologistes ont été amenés à l’idée que les condensations successives qui ont eu lieu après le Big Bang pouvaient être considérées comme des transitions de phase.

Les physiciens distinguent deux types de transitions de phase, les transitions continues et les transitions abruptes. Pour un panorama de l’évolution montrant l’alternance entre des transitions continues et des transitions abruptes, voir mon propre livre [3]. On doit au physicien danois Per Bak d’avoir montré que ces condensations étaient le propre d’un processus d’auto-organisation universel qu’il a baptisé «criticalité auto-organisée» [1]. Pour le lecteur ayant une formation en mathématiques, je recommande le livre de Ricard Solé [4] sur les transitions de phase. Les applications vont de la physique à la biologie et aux sciences humaines. Le dernier chapitre traite plus particulièrement de l’effondrement des sociétés humaines.

Ces processus s’appliquent aux systèmes dits «complexes», c’est-à-dire à des systèmes formés d’un très grand nombre d’éléments (typiquement plusieurs milliards), de même nature (les étoiles d’une galaxie, les molécules d’un gaz, les neurones d’un cerveau ou les individus d’une société) et liés entre eux par des relations non linéaires (voir par exemple [2]). Lorsque ces systèmes évoluent suffisamment lentement, on dit qu’ils sont dans un état quasi-stationnaire. Leur état peut alors être décrit statistiquement par des variables d’ensemble appelées variables macroscopiques ou variables d’état. Dans le cas d’un fluide, ces variables sont, par exemple, la température ou la pression. La relation qui lie entre elles les variables d’état s’appelle l’équation d’état.

Ainsi l’état macroscopique d’une mole [5] de gaz idéal, dit gaz parfait, est entièrement défini par son volume V, sa pression P et sa température absolue T. Ces trois variables sont liées entre elles par l’équation d’état des gaz parfaits PV = RT, où R est une constante appelée constante des gaz parfaits. L’équation d’état des gaz parfaits s’applique aux gaz très peu denses, dont les molécules sont suffisamment éloignées les unes des autres pour qu’on puisse considérer qu’elles n’interagissent pas entre entre elles, sauf au moment des collisions auquel cas leur distance devient négligeable par rapport à leur distance moyenne. C’est le cas de tous les gaz lorsque leur pression est suffisamment faible.

J’ai montré dans ce blog comment ces concepts peuvent être étendus aux sciences humaines. On sait aujourd’hui que la température d’un gaz mesure la vitesse quadratique moyenne d’agitation de ses molécules. Saupoudrez de sucre une fourmilière, vous verrez aussitôt les fourmis s’agiter. On pourrait définir de même la « température » d’une fourmilière comme étant la vitesse quadratique moyenne d’agitation des fourmis. Il est clair que plus le coût de l’énergie est faible, plus l’activité économique est intense et plus les hommes s’agitent comme le font les fourmis dans une fourmilière. Dans mon billet 49, j’ai proposé de définir la température d’une économie comme étant l’inverse du prix de l’énergie.

On peut de même définir une pression économique comme étant une pression sociale au sens de Durkheim. C’est la pression qui incite les individus à acheter tel ou tel produit. Ainsi, pour certaines activités, la possession d’un téléphone portable apporte aujourd’hui un tel avantage qu’il est impossible à la personne concernée de ne pas en acheter un. Dans ce cas, c’est la valeur d’usage qui prime.

Nous avons vu que l’équation du gaz parfait s’applique d’autant mieux que la pression du gaz est plus faible. En économie, on va donc s’attendre à ce qu’elle s’applique au cas ou la pression d’achat est faible. C’est le cas d’une économie d’abondance ou les besoins de chacun sont largement satisfaits. La valeur d’usage de l’objet n’a alors que peu d’intérêt. Ce qui compte, c’est sa valeur d’échange, et celle-ci est d’autant plus grande que l’objet est plus rare ou que son volume V de production est plus faible. C’est le cas des métaux précieux comme l’or ou l’argent, mais aussi des produits de luxe comme les bijoux, les œuvres d’art ou les objets de collection. La pression P d’achat est d’autant plus grande que le volume V de la production est plus faible. On retrouve bien la loi Boyle-Mariotte des gaz parfaits. Elle représente une économie d’individus aisés, libres de toute contrainte liant les uns aux autres, et dont les relations se limitent à des échanges de valeurs au cours d’occasionnelles rencontres: un idéal qu’on nomme le libéralisme.

Dans mon billet 89, j’ai parlé de l’équation proposée en 1873 par van der Waals pour représenter les propriétés des gaz réels. J’ai montré qu’on peut l’appliquer qualitativement à l’économie pour laquelle elle rend compte de la valeur d’usage. L’un des termes correctifs s’applique aux produits de première nécessité: ceux qui correspondent à des dépenses incompressibles. L’autre correspond aux produits dont la valeur d’usage croit avec le nombre d’utilisateurs. C’est le cas des services communs comme les communications ou les transports.

La figure ci-dessus montre l’allure de la surface de van der Waals, appliquée ici à l’économie. On voit qu’elle forme un pli appelé « fronce ». L’origine du pli est le point critique C. Tout point à l’intérieur du pli représente un état du système qui est nécessairement instable. Pour un fluide, il représente un état pour lequelle son volume diminue lorsqu’il se détend, c’est-à-dire un phénomène de condensation. L’état du fluide passe brutalement de la partie supérieure du pli où, vapeur, il occupe un grand volume à sa partie inférieure où, devenu liquide, il occupe un volume beaucoup plus petit. En économie, cela correspond à un effondrement de la production industrielle, souvent lié à une pénurie des moyens de transports.

Les thermodynamiciens appellent ce phénomène de condensation ou d’effondrement une transition de phase abrupte. Une telle transition peut se produire n’importe où entre les flèches marquées a et b sur la figure et n’affecter qu’une partie du système. La transition complète se fait alors plusieurs étapes. Dans le cas d’une économie, on qualifie cette zone d’époque de crises. Statistiquement, la transition se produit à mi-chemin entre les flèches. C’est là que, dans notre billet 90, nous avons plaçé la falaise de Sénèque, mais ce n’est qu’une idéalisation. Tant que la transition n’est pas complète, on dit que le système est dans un état métastable.

Une propriété caractéristique des transitions abruptes est de nécessiter des germes venus du milieu extérieur. Il est courant que ciel soit bleu et l’air limpide alors qu’il est saturé de vapeur d’eau. Il suffit qu’un avion passe pour qu’il laisse une trainée blanche due à la condensation de l’eau. C’est parce que les réacteurs de l’avion ont fourni les germes nécessaires à la condensation sous forme de particules ionisées. De même, l’effondrement d’une société est liée à une influence du milieu extérieur. C’est lui qui déclenche la transition.

On a vu que les structures dissipatives s’auto-organisent en décrivant des cycles autour d’un point critique. Ainsi, en l’absence de perturbations extérieures, une société traverse normalement une phase de dépression, puis une phase d’expansion et une phase de stagflation (voir billet 93). Il s’agit de transitions de phase continues. La société devient alors très sensible à son environnement et traverse une période de crises. Il s’agit d’une transition de phase abrupte. J’en donnerai prochainement de nouveaux exemples historiques.

(1) Per Bak, Quand la nature s’organise: avalanches et tremblements de terre. Flammarion (1999).
Steven H. Strogatz, Nonlinear Dynamics and Chaos, Westview (1994).
François Roddier, Thermodynamique de l’évolution (section 4.4), Parole (2012)
(4) Ricard Solé, Phase Transitions, Princeton (2011).
(5) Une mole ou molécule-gramme contient environ 6 x 1023 atomes.


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Re: François Roddier, thermodynamique et société




par Ahmed » 22/01/17, 22:28

Dans son billet N°93, F. Roddier avait déjà évoqué la stagflation en donnant une description du phénomène et en proposant l'explication qu'il s'agirait d'une phase cyclique. Cela me semble assez peu convainquant dans la mesure où ce terme a été forgé récemment pour qualifier une configuration inconnue de l'économie classique: "normalement", la stagnation de la croissance économique n'est pas compatible* avec l'accroissement de la masse monétaire, du moins dans le modèle d'équilibre qui constitue le socle de la pensée économique usuelle...
Notons que l'inflation reste plutôt modérée dans la période actuelle (par rapport au début de la stagflation), du fait qu'une bonne partie des (considérables) capitaux disponibles sont dérivés vers l'industrie financière où ils génèrent une inflation quasi invisible, puisqu'elle s'inscrit dans les cours boursiers ou autres produits financiers...
C'est cette évolution totalement nouvelle qui explique que cet oeni (objet économique non identifié) ait pu voir le jour: la stagflation rampante.

*Soit la production ralentit et les prix baissent, soit la masse monétaire augmente, donc les prix également, mais les affaires reprennent (les investissements en machines ou équipements sont plus vite amortis, les achats des ménages sont stimulés, puisqu'il vaut mieux acheter un produit ou service aujourd'hui, dès lors qu'il sera plus cher demain et qu'entre temps l'épargne tend à "fondre").
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Re: François Roddier, thermodynamique et société




par sen-no-sen » 23/01/17, 11:21

Ahmed a écrit : "normalement", la stagnation de la croissance économique n'est pas compatible* avec l'accroissement de la masse monétaire, du moins dans le modèle d'équilibre qui constitue le socle de la pensée économique usuelle...


Certes mais dans le cadre de l'économisme exponentiel le seul moyen de relancer la croissance est de faire de la dette*(bref du dopage..).
Dette pour relancer la croissance et croissance pour rembourser la dette,c'est le mécanisme(de type reine rouge) à l’œuvre depuis la crise de 1973.
Le système n'a eu cesse de se reconfigurer,d'abord spatialement en élargissant sa sphère d'influence puis conceptuellement à travers une multitude de subterfuge économique comme les fameux prêts ninja,les CDS etc...

Notons que l'inflation reste plutôt modérée dans la période actuelle (par rapport au début de la stagflation), du fait qu'une bonne partie des (considérables) capitaux disponibles sont dérivés vers l'industrie financière où ils génèrent une inflation quasi invisible, puisqu'elle s'inscrit dans les cours boursiers ou autres produits financiers...


Effectivement,l'une des raisons à cette relative stabilité serait à trouver du coté de la mondialisation de l'économie.
L'économie mondiale permet d'amortir les interférences "locales" en les noyant dans le bruit ambiant.
Les spécialistes s'accordent également pour dire qu'une inflation faible devient "visqueuse"et moins sensible aux fluctuations du marché,ce qui favorise la stabilité.

*En réalité la dette peut être comparé à une sorte "d'espace temps" à l'intérieur duquel se développe le secteur économique.
Cette espace temps peut être aussi bien en inflation qu'en déflation et peut se reconfigurer en fonction de l'évolution du système économique(via des trous noirs? :cheesy: ).
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Re: François Roddier, thermodynamique et société




par Ahmed » 23/01/17, 18:56

J'aime assez ton image d' espace-temps et des trous noirs qui guettent leur proie! :lol:
Les spécialistes s'accordent également pour dire qu'une inflation faible devient "visqueuse" et moins sensible aux fluctuations du marché, ce qui favorise la stabilité.

Les spécialistes s'accordent surtout à tout expliquer a posteriori par n'importe quoi... :roll:
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Re: François Roddier, thermodynamique et société




par sen-no-sen » 23/01/17, 19:51

Ahmed a écrit :J'aime assez ton image d' espace-temps et des trous noirs qui guettent leur proie! :lol:


Et c'est pourtant bien ce qui se passe en réalité!

Les spécialistes s'accordent surtout à tout expliquer a posteriori par n'importe quoi...

C'est pas faux! :lol:
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