Des zombies, de la consommation et de la décroissance !

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Des zombies, de la consommation et de la décroissance !




par Christophe » 21/12/11, 12:56

Billet intéressant d'un blog : http://educationenvironnement.wordpress ... roissance/ sur la "zombification" du monde...Certains passages sont à prendre au Nieme degré :)

Le zombie pour parler de consommation et de décroissance
By education à l'environnement


Des observations récentes amènent à penser que l’Homme est en train de « se zombifier ». La question sérieuse posée à l’occasion de cette métaphore amusante est celle de la part réelle de conscience et d’analyse de l’information dans le contrôle de nos actes. Le recours à l’image du zombie peut alors permettre d’appréhender le comportement humain et la société sous un angle critique.

Voici une petite réflexion guidée par la mise la parallèle des documentaires « Simplicité volontaire et décroissance » de Jean-Claude Decourt et les films d’horreur de Georges Romero, à prendre avec légèreté… mais pas trop…


Ce zombie qui est (en) nous…

De nombreux hommes et femmes voient leur vie s’abîmer dans une société capitaliste irrationnelle, contradictoire et violente. Ils sont confrontés à un sentiment d’incontrôle et d’incompréhension que le psychologue Martin Seligman a étudié de manière expérimentale en 1974 et baptisé « learned helplessness » ou résignation acquise. Cet état de privation de contrôle, effective ou perçue, induit des déficits cognitifs (difficultés d’apprentissage), motivationnels (difficulté à émettre des réponses volontaires) et affectifs (augmentation des affects négatifs). Les individus font l’apprentissage d’une relation d’indépendance entre leurs actes et leurs résultats et sont plongés dans un état d’épuisement cognitif. Pour expliquer des situations complexes, ils se limitent alors à des informations immédiatement disponibles et ont davantage recours des solutions dites cognitivement moins coûteuses, des heuristiques de raisonnement, des croyances, des stéréotypes, etc., (François Ric) (1). L’état de « learned helplessness » rend l’individu passif et inapte au raisonnement complexe. Il est en quelque sorte « zombifié ».

Exemple de message simple au service d’une idéologie asséné à une population maintenue dans la passivité dans Invasion Los Angeles.

Une mise en parallèle du comportement du consommateur-travailleur et de celui du zombie

Ce qui caractérise principalement le zombie, c’est son absence de conscience, ou plus précisément d’expérience consciente. Le zombie n’est pourtant pas sans cerveau. Autrefois humain, le seul moyen de s’en débarrasser reste d’ailleurs celui de lui tirer une balle dans la tête. Mais l’organe est devenu incapable de diriger le comportement alors réduit à l’expression de simples actes pulsionnels non pensés. C’est cet aspect instinctif et non réfléchi du zombie, comme absent de lui-même, qui est utilisé métaphoriquement pour décrire l’humain moderne crée par la société de (sur)consommation. L’individu semble absorber passivement les messages. Noyé dans un flot d’informations complexes et désordonnées et assommé par un discours consumériste au service d’une croissance illimitée, il devient un consommateur-zombie dont le comportement consiste en une série de réflexes souvent irrationnels et conditionnés par la publicité.

Critique de la société de consommation dans Zombie.

« Qui sait si, lorsque nous contemplons la vache, nous ne sommes pas en train de contempler l’homme du futur ? » (Vilèm Flusser) (2). Le zombie de George Romero, c’est aussi la vache de Vilèm Flusser. Un Homme passif, programmé et dont les performances sont « améliorées » pour être mises au service de l’industrie dans une société hyper-technicisée et automatisée. « Les technologies sont faites pour nous séparer de notre action, nous déresponsabiliser, nous rendre inutile, c’est mortifère. » (Alain Gras, sociologue et écrivain) (6). Le zombie, c’est donc également le travailleur robotisé de METROPOLIS. Un travailleur fantasmé par une société productiviste qui rêve de disposer, voire de fabriquer, des unités de travail interchangeables, programmables, flexibles et jetables, de simples « variables d’ajustement ».

Illustration de l’homme victime des progrès de l’automatisation dans Les temps modernes.

Ouvriers « prêts à l’emploi » dans Metropolis

« Des milliers d’hommes et de femmes réduisent toute leur humanité à la seule dimension de travailleur-consommateur. Même face à la plus grande menace, celle de la disparition de notre espèce, ils n’ont de cesse de vouloir consommer toujours plus… Au cours des dernières décennies, l’exploitation des peurs s’est incroyablement développée dans les campagnes publicitaires et politiques,… la publicité et l’Etat créent artificiellement des problèmes associés à des peurs ancestrales puis offrent des solutions. Nous sommes alors nous-mêmes demandeurs des solutions que les dominants voudraient nous imposer. » (7).

Comment se débarrasser de la menace « zombie » ?

« Si la société est malade, c’est la société qu’il faut guérir » (Serge Mongeau) (3). Pour se débarrasser des zombies, sorte de symptômes révélant un problème structurel profond, la rupture avec le modèle socio-économique actuel pourrait être le remède. Une tâche difficile car on « se heurte à la toxidépendance de la drogue consumériste » (Serge Latouche) (4). Changer de modèle s’avère par ailleurs être particulièrement difficile pour une population placée en situation de « learned helplessness », un état favorable au développement de peurs telles que la peur de l’autre ou celle du changement. Cette difficulté, voire cette incapacité à réinventer les modèles et les comportements, est d’ailleurs mise en évidence dans Land of the dead.

Rupture avec le modèle dans l’An 01.



Sortir d’une société fondée sur le « toujours plus » engage sur la voie de la décroissance dont découle la simplicité volontaire. Une voie qui préconise une diminution du niveau de consommation et une décolonisation de l’imaginaire pour ré-évaluer les valeurs. « L’altruisme devrait prendre le pas sur l’égoïsme, la coopération sur la compétition effrénée, le plaisir du loisir et l’ethos du ludisme sur l’obsession du travail, l’importance de la vie sociale sur la consommation illimitée, le local sur le global, l’autonomie sur l’hétéronomie, le goût de la belle ouvrage sur l’efficience productiviste, le raisonnable sur le rationnel, le relationnel sur le matériel, etc. » Serge Latouche (4).

Face aux zombies, les survivants sont contraints à des huit-clos qui mettent à l’épreuve les valeurs de chacun. Profiter du chaos général ou participer au salut de la communauté ? Comme lieu symbolique de la mise à l’épreuve, la grande surface (dans Zombie).

Quand la figure du zombie incarne des dysfonctionnements dans la société des vivants.

Retrouver une vie plus sobre, moins aux prises avec cette quête de vitesse qui caractérise l’anthropocène (5), c’est aussi se reconnecter avec notre nature, ses rythmes et ses cycles dont nous refusons les contraintes au nom du progrès et d’une production interrompue toujours croissante. Un refus des limites de l’espace et du temps qui s’exprime dans les pratiques agricoles et l’élevage, dans les moyens de transports et de communication, dans l’idéal du corps et de l’éternelle jeunesse, etc. « Nous sommes en permanence dans l’instantané, se donnant ainsi l’illusion qu’on va passer à coté de sa mort » (Bernard Grignon, decroissance-overblog) (6). Un refus de notre lien avec la nature qui fait échos à notre peur de la mort et de la vieillesse, incarnée par l’apparence du zombie.

Tom Savigny, responsable du maquillage et des effets spéciaux dans Zombie, et donc littéralement responsable de l’apparition des zombies, est victime de l’une des scènes de massacre cathartique les plus réussies du genre.

Rompre avec le modèle, c’est aussi imaginer une société moins violente qui s’éloigne des valeurs de compétition et d’individualisme érigées en dogme. « Notre société de consommation a besoin, pour que nous consommions, que nous soyons des individualistes forcenés. La société s’organise de plus en plus pour qu’on ne se parle plus. Si on a besoin de quelque chose, le réflexe n’est pas de la trouver dans sa communauté, de l’emprunter ou de le partager, mais de l’acheter, comme si la solution à tous les problèmes se trouvait dans les centres commerciaux » (Serge Mongeau) (3). La violence est par ailleurs un motif récurrent dans les films de George Roméro (contre les zombies ou entre les vivants).Le zombie renvoie l’image d’une violence intime, celle de nos proches devenus méconnaissables, celle que nous portons en nous-mêmes. Le zombie, c’est nous, totalement désinhibés dans nos pulsions violentes et cannibales. Il est violent et appelle la violence en retour. « Nous pourfendons la violence économique, nous la récusons, mais nous ne l’éliminons pas en nous-mêmes » (Pierre Rabhi) (6).

Dans le centre commercial, les survivants, repliés sur eux-mêmes, n’ont trouvé comme modèle que l’individualisme, le confinement et le pillage (dans Zombie).

Conclusion sur l’intérêt du genre

Sous l’apparente légèreté du genre, les films de zombies, notamment chez George Romero, se livrent souvent à une véritable critique sociale. On peut autant savourer les films pour ce qu’ils sont, de très bons films d’horreur, que tenter d’y déceler ce dont ils parlent vraiment, c’est-à-dire des angoisses et des questions auxquelles les humains sont confrontés (peur de la manipulation du vivant, méfiance à l’égard du pouvoir, peur de la violence, peur de l’autre, critique sociale, etc.).

Frédérique Muller

Références, inspirations et côtes Médiathèque

* (1) Théorie du « Learned helplessness » dans Ric, F (1994). Thèse de doctorat de psychologie sociale. Université Paris X.
* (2) Vilèm Flusser, philosophe, « Essai sur la nature et la culture », 2005, Circé
* (3) Interview de Serge Mongeau, père de la simplicité volontaire au Québec et co-fondateur du mouvement québécois pour la décroissance conviviale dans une interview de décembre 2009 publiée sur http://www.mondequibouge.be/.
* (4) Serge Latouche, économiste, « Le pari de la décroissance », 2006, Fayard
* (5) Claude Lorius, climatologue, « Voyage dans l’anthropocène », 2011, Actes Sud
* (6) dans Simplicité volontaire et décroissance volume 2 – TL7982
* (7) dans Simplicité volontaire et décroissance volume 3 – TL 7983
* Zombie – VZ5763
* Land of the dead – VT0017
* Metropolis – VM1963
* L’an 01 – VA4604
* Invasion Los Angeles – VI5057
* Les temps modernes – VT1606
* Manifeste anti publicitaire du RAP (réseau contre l’agression publicitaire)
* Imagine N°87 « Déloger le libéralisme »
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lejustemilieu
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par lejustemilieu » 21/12/11, 13:58

Je trouve que c'est un bon sujet de conversation.(de réflexion)
En fait, Je trouve que par rapport aux temps ancien, nous avons trop de choses à apprendre, à étudier.
On nous oblige à suivre le mouvement du nouveau.
ipod, ipad et patati et patata.

Et finalement, on ne sait plus ce qui est important dans la vie.
Et finalement, on s'en fout de tout, et nous perdons , au fil des générations les règles de base de la vie.
C'est un paradoxe, nous sommes créés pour évoluer, mais je dirai, cela va trop vite .
Le rapport de ce sujet avec l'écologie? il faut parfois passer par la psy avant de travailler sur la technologie.(c'est mon point de vue)
Personnellement, mon disque dur est plein (celui de ma tête)
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L'homme est par nature un animal politique (Aristote)
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par Christophe » 21/12/11, 14:08

Tout à fait on croule sous les informations, les technologies, les chaines TV par centaines...et tu sais ce qu'on dit: trop d'info, tue l'info...

Après on dit que les enfants manquent d'attention: forcément, ils sont débordés par l'infos et pour la plupart (né après 2000, grandit avec internet donc) n'ont jamais appris à vraiment se concentrer sur une chose...ah si peut être une: facedebouc de meeeerde !

On va vers une société du "superficiel" à vitesse V...

Et ce manque de réflexion, de profondeur, se marie très bien avec "bonne" consommation...(mauvaise d'un point de vue éconologique...)
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