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Anne-Marie Moulin : «La vaccination a toujours connu des crises»

Pr Anne-Marie Moulin: «La plupart des vaccins apparus ces dernières années sont des vaccins abstraits. Les maladies contre lesquelles ils protègent n’évoquent rien aux gens.» DR

INTERVIEW - Le Professeur Anne-Marie Moulin, médecin et philosophe des sciences au CNRS, revient sur l’histoire de la perception française de la vaccination.

LE FIGARO.- D’après un sondage publié fin 2016, 40 % des Français estiment que les vaccins ne sont pas des produits sûrs. De quand date cette méfiance?

Anne-Marie MOULIN.- De ses débuts en Angleterre avec la vaccine en 1796 à nos jours, la vaccination a une histoire mouvementée. Elle a suscité enthousiasme mais aussi déclenché des controverses, car les vaccins étaient à l’origine des produits vivants et fragiles.

La crise la plus marquante a été celle de Lübeck, en Allemagne, où une campagne de vaccination contre la tuberculose a provoqué la mort d’une centaine d’enfants en 1929

La crise la plus marquante a été celle de Lübeck, en Allemagne, où une campagne de vaccination contre la tuberculose (avec le BCG) a provoqué la mort d’une centaine d’enfants en 1929. Le procès qui s’est ensuivi, le premier grand procès médical, a conclu à la contamination accidentelle du vaccin par des bacilles tuberculeux virulents. Des accidents ont également marqué le passage vers une fabrication à l’échelle industrielle, comme l’accident Cutter, du nom de la firme dont le vaccin donna la polio à 40.000 petits Américains en 1955. Mal brassées dans la cuve, les souches n’auraient pas été suffisamment inactivées.

À notre époque, aucun drame équivalent n’est survenu. Une partie de la controverse porte sur l’éventuelle responsabilité des vaccins dans des maladies chroniques, auto-immunes ou inflammatoires. C’est bien différent d’une mort brutale, et donc de fait plus difficile à prouver ou à infirmer.

Comment expliquer que l’hésitation vaccinale gagne ainsi du terrain?

La plupart des vaccins apparus ces dernières années sont des vaccins abstraits. Les maladies contre lesquelles ils protègent n’évoquent rien aux gens. C’est par exemple le cas pour le vaccin contre la poliomyélite, une maladie qui n’est plus visible en France mais qui touchait encore des enfants dans les années 1950. L’hépatite B est également relativement mal connue, d’autant que ses conséquences, la cirrhose ou le cancer du foie, apparaissent des années après l’infection. Alors qu’en Afrique, presque toutes les familles connaissent un cas de cancer du foie provoqué par ce virus, en France il semble absurde de faire vacciner son nouveau-né tant le risque paraît irréel.

Pourquoi les vaccins suscitent-ils plus de doutes que n’importe quel médicament?

Contrairement aux médicaments, les vaccins ne traitent pas une maladie

Contrairement aux médicaments, les vaccins ne traitent pas une maladie. De plus, notre héritage historique, avec Louis Pasteur, fait de la France le pays de la vaccination. À tel point que celle-ci a longtemps été idéalisée. Or, il est vrai que les vaccins ne sont pas conformes à l’image qui a bercé des générations. Leur efficacité varie en fonction de facteurs propres à chaque individu, tel que leur génome. Comme pour tout traitement médical, des effets secondaires, principalement de courte durée et de faible gravité, peuvent être observés. Des complications plus graves sont possibles, mais restent extrêmement rares. Autrefois, ces effets étaient perçus comme des aléas de la vie. Désormais, les gens se sentent trahis et les médias amplifient cette inquiétude. L’hésitation vaccinale ressemble à un amour déçu. Cette déception conduit certains à jeter le bébé avec l’eau du bain.

Que pensez-vous de la position des pouvoirs publics à cet égard?

Les ruptures de stock inquiètent la population et accentuent sa défiance envers l’État. Par exemple, alors que le BCG reste fortement recommandé en Île-de-France, il est difficile pour les familles de se le procurer. Les autorités communiquent mal sur le sujet et ont préféré, par le passé, pratiquer la politique de l’autruche. La défiance de la population concerne aussi les professionnels de santé. Les généralistes n’ont guère le temps pour discuter, sans oublier qu’une partie d’entre eux s’interroge sur les vaccins récents.

Dans le même temps, les relais traditionnels de l’information sanitaire disparaissent peu à peu: il n’y a plus ou si peu de médecine scolaire, la médecine du travail est également en grande difficulté. Voici réunis tous les ingrédients pour entraîner, sinon une défiance caractérisée, du moins des réticences et des hésitations. Comment faire rebasculer l’opinion?

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2 commentaires
  • louisu

    le

    Roselyne à Bachelot à du un rôle déplorable avec vaccin contre la grippe H1N1. Marisol Touraine réitère des maladresses. Certains vaccins sont pertinemment nécessaire d'autres moins. Les mettre tous ensemble est une grave erreur.

  • le.nasreddin

    le

    que fait concrètement d'utile cette personne ?
    A part cet article sans aucun intérêt?

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