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Le sodium, clé de voûte des réacteurs nucléaires du futur

Des réacteurs plus sûrs et plus économes sont à l'étudeLes réacteurs refroidis au sodium sont les plus avancésFukushima et le gaz de schiste pèsent sur le financementPas de modèle commercial avant 2040-2050

Par Reuters

Publié le 13 oct. 2014 à 14:06

par Geert De Clercq

CADARACHE, Bouches du Rhône, 13 octobre (Reuters) - Confiné par d'épaisses vitres de verre, dans un laboratoire, le sodium chauffé peut être manipulé avec une simple louche autour de laquelle il s'enroule comme un miroir liquide, brillant et captivant.

Envisagé pour refroidir les centrales nucléaires du futur, le sodium est l'élément clé d'un des modèles de réacteurs que les scientifiques développent pour trouver une alternative aux unités refroidies à l'eau qui équipent la plupart des 440 réacteurs en service dans le monde.

Alors que plusieurs centrales sont à l'arrêt au Angleterre et en Belgique par crainte de défauts de conception et que des réacteurs américains ont été fermés face à la concurrence du gaz de schiste, le programme de recherche sur la prochaine génération de centrales prend toute sa valeur.

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Lancé en 2010 par les Etats-Unis, le Forum International Génération IV compte 13 pays membres - dont la Chine, la Russie, la France, le Japon et le Royaume-Uni - qui ont décidé de concentrer leurs efforts de recherche et développement sur six concepts parmi une centaine.

Le forum fait valoir que, malgré les inquiétudes des opinions publiques à l'encontre du nucléaire, il s'agit du seul moyen de produire d'énormes quantités d'électricité de façon constante sans aggraver le réchauffement climatique. Et il promet de nouveaux modèles plus sûrs, plus économes et produisant moins de déchets radioactifs.

Le réacteur à neutrons rapides refroidi au sodium (RNR-Na), développé en France, en Russie et en Chine sur la base d'un prototype conçu par les Etats-Unis dans les années 1950, est de loin le modèle le plus avancé.

Sa principale qualité consiste à pouvoir brûler de l'uranium usagé et du plutonium issus de réacteurs refroidis à l'eau, qui s'accumulent depuis des années et représentent, selon l'Association mondiale du nucléaire, un stock d'environ 1,5 million de tonnes.

"Nous pourrions produire de l'électricité pendant plusieurs centaines d'années sans nouvelles ressources d'uranium naturel", souligne Christophe Béhar, vice-président du Forum International Génération IV.

QUELQUES DÉFAUTS

Christophe Béhar, également directeur de l'énergie nucléaire du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), souligne aussi que le RNR-Na peut consommer la majeure partie des déchets radioactifs à vie longue issus de l'uranium, ce qui rend moins sensible la question de leur stockage sous-terrain.

Le sodium liquide assure une meilleure évacuation de la chaleur du coeur des réacteurs que l'eau et son ébullition a lieu à haute température, autour de 900 degrés, permettant ainsi au RNR-Na d'opérer à un niveau proche de la pression atmosphérique et réduisant ainsi le besoin de confinement des réacteurs à eau pressurisée.

Mais le sodium a aussi quelques défauts : il brûle au contact de l'air et explose au contact de l'eau.

La France, la Russie et la Japon ont construit plusieurs réacteurs de type RNR-Na mais beaucoup ont connu des problèmes de corrosion et des fuites de sodium.

Superphénix, modèle de 1.200 mégawatts en bordure du Rhône, a été le plus important de ce type. Opérationnel de 1986 à 1996, il n'a produit de l'électricité que quelques années en raison d'incidents à répétition.

Le réacteur prototype japonais Monju a pour sa part connu en 1995 un important incendie consécutif à une fuite de sodium et la Russie exploite un réacteur du même type depuis 1980 malgré une série de problèmes.

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Aucun de ces réacteurs ne correspond aux standards de la génération 4 et le défi pour le CEA consiste à convaincre les parlementaires de l'autoriser à bâtir Astrid, un nouveau modèle de 600 mégawatts dont le coût a été estimé à plus de 5 milliards d'euros et pour lequel une décision est attendue autour de 2019.

Les équipes de CEA de Cadarache, dans les Bouches-du-Rhône, tentent d'apprivoiser le sodium, sixième élément le plus abondant sur terre mais seulement en tant que composant d'autres minéraux, comme le sel.

Pour prévenir le principal danger - l'entrée en contact du sodium et de l'eau -, de nouvelles turbines alimentées au gaz sont en cours de conception. Et contre les risques de fuites, les nouveaux réacteurs compteront moins de pompes.

Le défi technologique ne sera toutefois peut-être pas le principal obstacle au développement des réacteurs du futur.

Car le ralentissement du nucléaire dans le monde, consécutif à l'accident de Fukushima, a rendu moins sensible le risque de raréfaction des ressources en uranium.

Et l'essor du gaz de schiste aux Etats-Unis et des énergies renouvelables en Europe ont douché l'enthousiasme de certains membres du Forum International Génération IV.

"Entre les ambitions de départ et le contexte actuel, la recherche sur la génération 4 n'est pas exactement dans les temps", souligne Thierry Dujardin, directeur général adjoint de l'agence pour l'énergie nucléaire de l'OCDE. (Benjamin Mallet pour le service français, édité par Henri-Pierre André et Jean-Michel Bélot)

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